Le cinéaste André S. Labarthe est mort ce matin à Paris. Il avait 86 ans. Il laisse une œuvre considérable, marquée par les séries documentaires Cinéastes de notre temps puis Cinéma, de notre temps, toutes deux dirigées avec Janine Bazin.
Depuis 1964, Janine et André auront réussi l’exploit de commander à des cinéastes des films sur d’autres cinéastes, constituant ainsi deux collections d’une richesse infinie, dont certains titres sont devenus des classiques, par exemple le dialogue Fritz Lang/Jean-Luc Godard (Le Dinosaure et le Bébé), mis en scène par Labarthe lui-même.
Labarthe disait filmer pour « affamer le spectateur » et sa filmographie gigantesque et protéiforme est le reflet de sa culture encyclopédique et de son insatiable curiosité. Grand lecteur et fin connaisseur des autres arts, il était capable de trouver le bon angle et le ton juste pour faire le portrait d’une danseuse comme d’un peintre, de Sylvie Guillem ou de Roy Lichtenstein, et ses essais filmés consacrés à Philippe Sollers ou à son cher Georges Bataille (dont il rêvait d’adapter Le Bleu du ciel) resteront comme des modèles du genre.
Nous sommes nombreux à avoir été ses amis ou ses élèves. Sa générosité faisait que les jeunes gens allaient naturellement vers lui et il les recevait avec une élégance et une drôlerie sans pareille. Parmi les membres de l’équipe historique des Cahiers du cinéma, André S. Labarthe se distinguait par l’originalité de ses goûts, très influencés par le surréalisme au sein d’une revue qui y était plus que rétive, et il était capable de repérer le talent d’une Shirley Clarke ou celui d’un John Cassavetes (son jumeau américain), dont il fut l’inlassable propagateur.
C’est en aimant et en donnant à admirer les œuvres des autres qu’André aura construit la sienne. La Cinémathèque française perd un ami de toujours et le cinéma, un allié fidèle et sûr, l’un de ses meilleurs serviteurs. La Cinémathèque présente ses plus sincères condoléances à sa compagne, Danielle Anezin, la monteuse de tant de ses films.