Le cinéma a fait des cheveux de femmes un motif essentiel de son esthétique et de sa mythologie. Héritier de la peinture et de la littérature, il prolonge cette fascination pour la chevelure féminine et la gestuelle qui lui est liée. Dès son origine, les cinéastes et leurs chefs opérateurs ont vu tout le parti qu'ils pouvaient tirer des cheveux comme forme et matière privilégiées dans la construction plastique de leurs plans. Les grands cinéastes de la chevelure (Hitchcock, Mizoguchi, Buñuel, Antonioni, Bergman, Godard, Lynch, Fassbinder et d'autres) se sont emparés de la richesse émotionnelle des cheveux de femmes, auxquels était donnée pour la première fois la grâce du mouvement. Ce motif détenant dans leurs films une part du mystère de ce que leur création a de plus intime et singulier.

Cet intérêt du cinéma pour la chevelure traverse aussi la grande Histoire dont elle accompagne les mutations et les heures les plus sombres. Chaque aire de civilisation (la Méditerranée, les pays nordiques, l'Asie, l'Afrique, les pays arabes, l'Inde) a développé sa propre poétique cinématographique de la chevelure, reflet de son identité culturelle, religieuse et de sa tradition artistique. En Occident, le XXème siècle aura été celui des médias de masse, et c'est le cinéma qui a constitué et diffusé les modèles féminins dominants. Les stars en ont été les icônes privilégiées, imposant, sous le contrôle des grands studios, des styles de féminité qui ont souvent guidé la mode de génération en génération : les cheveux courts dans les années 20 (Louise Brooks), les chevelures platinées dans les années 30 (Jean Harlow), les longues mèches ondulantes dans les années 40 (Veronica Lake), les coiffures lâchées à la Brigitte Bardot dans les années 50, les coupes androgynes à la Jean Seberg dans les années 60...

Construite sur des mises en rapport ouvertes à la subjectivité du visiteur, cette exposition invite à parcourir tous les passages inédits, et parfois secrets, qui existent entre cinéma, peinture, photographie, histoire et mythologie dans la représentation de la chevelure féminine.

Alain Bergala
Commissaire de l'exposition Brune/Blonde


L'exposition virtuelle Brune/Blonde est un prolongement de l'exposition temporaire Brune/Blonde, une exposition Arts et Cinéma (Cinémathèque française, du 6 octobre 2010 au 16 janvier 2011). Soit une sélection d'œuvres exposées, mais aussi des extraits de films, des archives audiovisuelles, des analyses, des commentaires et des liens (ou des "échos") pour des parcours ludiques et pédagogiques. Et aussi, des entretiens inédits avec Alain Bergala, commissaire d'exposition, et Nathalie Crinière, scénographe. Avec des artistes : la plasticienne Alice Anderson, le cinéaste Bertrand Bonello, le photographe Bernard Plosssu, le coloriste Christophe Robin...

Une exposition où la Danaïde de Rodin dialogue avec Jules et Jim de François Truffaut ou le Vampyr d'Edvard Munch, La Captive d'Akerman avec Vertigo d'Hitchcock, Bertrand Bonello avec Cindy Sherman, Warhol avec Lio...

Marion Langlois
Chargée d'éditions en ligne