Peintre, affichiste, décorateur.
(Berlin, 1887 - Bad Godesberg (?), 1936)
Walter Reimann reçoit une formation de peintre auprès de son oncle, Carl Priem. Il commence sa carrière comme peintre de décors pour une firme berlinoise spécialisée dans la création de décors de théâtre. Son amitié avec Hermann Warm lui vaut ses premières commandes pour le cinéma et, à partir de 1920, lui ouvre une brillante carrière dans l'industrie cinématographique allemande, où il est tour à tour architecte de cinéma, directeur artistique, créateur de costumes, designer de production et créateur de décors. Ses dessins pour Le Cabinet du docteur Caligari (1919) lui ont souvent fait attribuer l'«invention» du cinéma expressionniste. Ses premiers croquis témoignent d'un maniement hardi des contours et des masses, qui montre comment les multiples perspectives de l'histoire peuvent se matérialiser dans et à travers le décor. Les lignes brutales sont soutenues par une utilisation expressive des couleurs (généralement sombres), l'ensemble donnant une atmosphère de somnambulisme au film.
Les croquis réalisés par Reimann pour Genuine (1920) et Algol (1920) tablent sur le succès de l'«expressionnisme» de Caligari, mais dénotent la polyvalence du créateur de décors professionnel, rappelant l'architecture fantastique de Bruno Taut et anticipant le décor réalisé par Hans Poelzig pour Le Golem. Par contraste, les peintures de Reimann trahissent une affinité éclectique pour de nombreuses œuvres et tendances artistiques en vogue à l'époque, les sources d'inspiration principales étant peut-être Lovis Corinth (pour les portraits) et Vincent Van Gogh (pour les paysages).
La vie de Reimann témoigne d'une tension caractéristique: tandis qu'il donnait l'image d'un artiste indépendant, sa réputation repose entièrement sur son travail pour le cinéma, notamment ses dessins de décors réalisés pour Berthold Viertel (Nora, 1922), E. A. Dupont (Die grüne Manuela, 1923) et Henrik Galeen (Alraune, 1927).
En 1928, Reimann séjourne brièvement à Hollywood en qualité de production designer pour le film d'Ernst Lubitsch Eternal Love (1929), mais il travaille également avec Thea von Harbou en concevant la jaquette de sa novélisation de Metropolis (1926) et en rédigeant le scénario d'Elisabeth und der Narr (1933, Thea von Harbou). Non content de prêter son talent au cinéma, Reimann crée des affiches, des couvertures de magazine et des publicités. Entre 1923 et 1933, il publie également une vingtaine d'articles sur les décors de films, la direction artistique, les relations entre l'architecture et le cinéma, ainsi que sur son expérience hollywoodienne et autres sujets liés à la création cinématographique, articles qui témoignent d'une intelligence aiguë ainsi que d'un désenchantement croissant à la vue des tendances commerciales de l'industrie cinématographique allemande après l'avènement du parlant.
Thomas Elsaesser