Total Recall

samedi 6 février 2016, 22h30

Salle Henri Langlois

22h30 06h30 (480 min)

Paul Verhoeven
États-Unis / 1989 / 113 min / DCP / VOSTF

Avec Arnold Schwarzenegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone.

Doug Quaid est hanté par le rêve récurrent d'un voyage sur Mars. Lorsqu'il s'aperçoit que ce rêve est artificiel, il s'envole vers la planète rouge à la recherche de son mystérieux passé.

« Votre adaptation est trop fidèle à la nouvelle de Philip K. Dick. Ce dont je rêve, moi, c'est des Aventuriers de l'arche perdue sur Mars. » Quand, en 1988, Dino de Laurentiis écarte David Cronenberg, initialement pressenti pour adapter Souvenirs à vendre au cinéma, l'idée semble destinée à rejoindre le cimetière des projets avortés du célèbre mogul italien. De Laurentiis sait certes où il veut aller, mais il ne sait pas trop avec qui... C'est Arnold Schwarzenegger qui va ressusciter Total Recall quelques mois plus tard, en rachetant les droits du scénario, en imposant aux studios le nom de Paul Verhoeven (l'acteur racontera avoir été très impressionné par Robocop) et en appliquant au script les recettes de son succès. De fait, le film ne ressemble pas tant aux Aventuriers de l'arche perdue qu'à un croisement de Commando, Predator et The Running Man − soit ce mélange explosif d'action, d'humour et de punchlines qui faisait alors de Schwarzenegger l'un des rois du box-office.
Pour autant, Total Recall reste un film singulier dans la carrière de l'acteur autrichien. Alors que Schwarzenegger entame un virage grand public, Verhoeven l'embarque une dernière fois dans un grand huit violent (furieuse scène de poursuite inaugurale, inimaginable dans un blockbuster d'aujourd'hui), sexuel et égrillard. Pervertissant comme à son habitude les projets qui lui sont confiés, le Hollandais violent fait du plus gros budget de l'année une série B bâtarde, mix singulier d'effets spéciaux éblouissants (signés du génial Rob Bottin) et de carton-pâte dans lequel il plonge un Schwarzy complètement dépassé. « Si je ne suis pas moi, alors qui suis-je ? » s'interroge à un moment, hébété, le héros de ce film-monstre. On ne sort jamais vraiment indemne des labyrinthes cérébraux de Philip K. Dick. A fortiori quand ils sont mis en scène par Paul Verhoeven.

Xavier Jamet


Paul Verhoeven
États-Unis / 1995 / 130 min / DCP / VOSTF / Début de la projection à 01h15

Avec Elizabeth Berkley, Kyle MacLachlan, Gina Gershon.

Nomi rêve d'être danseuse et tente sa chance à Las Vegas. Très vite, elle est engagée dans un club de strip-tease et découvre les affres de la nuit.

Dans une interview aux Inrockuptibles en 1998, Jacques Rivette lance cette plaidoirie inattendue et restée célèbre : « Showgirls est un des plus grands films américains de ces dernières années, c'est le meilleur film américain de Verhoeven et le plus personnel. Dans Starship Troopers, il a mis des effets autour pour faire passer la pilule, alors qu'évidemment, Showgirls est à poil. C'est aussi le plus proche de ses films hollandais. C'est d'une grande sincérité, avec un scénario sans aucune astuce. Et l'actrice est stupéfiante !. »
Un film à poil ? Plus ouvertement sexuel que Basic Instinct, Showgirls ne s'embarrasse effectivement pas de verni. Finies les couvertures scénaristiques, le vitriol planqué dans les plis du thriller (Basic Instinct, Robocop) et du film de science-fiction (Starship Troopers, Total Recall). Ici, les faux-ongles, les faux-cils et les nippies ne sont plus que cachemisères dérisoires, masquant à grand peine une Amérique débarrassée de ses oripeaux, vulgaire, vile et obscène. Porté par le triomphe de Basic Instinct trois ans plus tôt, le sulfureux duo Verhoeven-Eszterhas pousse les curseurs très loin. Trop loin. Le film est tellement cru, la charge tellement violente, que le retour de bâton sera à l'avenant : bide commercial, Showgirls récolte une douzaine de nominations aux Razzie Awards (l'équivalent des Oscars pour les pires films de l'année) et une mémorable volée de bois vert. Mais depuis quelques années, dans le sillage de Rivette, un lent mouvement critique s'opère, réévaluation par le haut du film et de sa beauté secrète − un ouvrage très sérieux, et sobrement intitulé : It Doesn't Suck: Showgirls, est d'ailleurs sorti l'an dernier aux États-Unis. « It Doesn't Suck » (« Ça n'est pas de la merde ! »), c'est ce que répète à l'envi Nomi Malone, héroïne de ce film mal-aimé − pourtant l'un des préférés de son auteur. Vingt ans ont passé, les scandales aussi. Il est temps de revoir Showgirls.

Xavier Jamet


Showgirls a été restauré en 4K à partir du négatif original. La restauration image a été effectuée par le laboratoire Technicolor et la restauration son par le laboratoire L.E. Diapason, sous le contrôle de Paul Verhoeven et de Pathé.


Paul Verhoeven
États-Unis / 1997 / 129 min / DCP / VOSTF / Début de la projection à 04h15
D'après le roman Étoiles, garde-à-vous ! de Robert A. Heinlein.

Avec Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Neil Patrick Harris.

Dans un futur totalitaire, aux confins d'une galaxie inconnue, une armée d'arachnides géants menace l'humanité. Cinq jeunes soldats s'engagent dans l'armée pour combattre ces nouveaux envahisseurs.

« Bien sûr que mon film est subversif : Starship Troopers vous aguiche, avant de vous présenter la facture. » (Paul Verhoeven)

1997. Lessivé par la mésaventure Showgirls, Verhoeven reforme, avec son scénariste Edward Neumeier, le ticket gagnant de Robocop, et signe Starship Troopers, science-fiction impétueuse nourrie de cette ironie cinglante qui leur avait souri dix ans plus tôt. À même équipe, même griffe : derrière ses faux airs de blockbuster belliciste, le film, d'une efficacité redoutable mais passé à la soude caustique, est une charge au canon contre les « faucons », alors en vogue à Washington : « Bien que le film soit sorti sous l'ère Clinton, les néoconservateurs avaient le vent en poupe. Cela nous ennuyait, Neumeier et moi, alors nous en avons remis une couche dans le script, en jouant avec l'imagerie fasciste pour pointer certains travers de la société américaine. » L'alliage pop de violence cartoonesque et d'emprunts à Leni Riefenstahl déstabilise la presse outre-Atlantique, qui reproche au film son ambigüité et ses audacieux parallèles entre impérialisme américain et national-socialisme. La critique américaine aurait pourtant pu saisir, à force, que le cinéaste néerlandais n'aime rien tant que les bonbons au poivre, la satire emballée dans un beau papier cadeau à cent millions de dollars. Malgré des résultats convaincants au box-office (le film connaîtra même deux suites, très fades en regard de l'original), le fossé se creuse un peu plus entre le cinéaste hollandais et son pays d'adoption. Starship Troopers marque la fin de l'idylle hollywoodienne de Paul Verhoeven, qui signera trois ans plus tard un dernier film de studio (Hollow Man) avant de retourner aux Pays-Bas se confronter, sans filtres ni allégories cette fois, à l'Histoire et au nazisme (Black Book).

Xavier Jamet