Obsessions
Ce (finalement) petit film ne suscite pas un enthousiasme critique démesuré. Aussi sévère qu'à l'habitude, le "New Yorker" écrit que "la première histoire est honnête, mais que les deux autres sont tortueuses, ménageant certes leur lot de suspense, mais étant souvent seulement ennuyeuses. Ici et là, une idée astucieuse vous réconcilie avec un ensemble plutôt niais, avant de vous retrouver en train de regarder M. Boyer sur un fil, dans un épisode interminable, vous souciant comme de votre première chemise de savoir s'il va ou non tomber sur la tête". " Harrison's reports " est moins brutal, mais tout aussi hésitant. "Le film a été réalisé avec art, et devrait plaire à un public choisi, comme à tous ceux qui, au cinéma, cherchent quelque chose de différent. Qu'il puisse plaire au grand public est plus douteux. Quoi qu'on y trouve, ici et là, des moments de pure comédie, pour le reste ce n'est pas un spectacle très gai. La présence de grandes vedettes, malgré tout, pourrait aider à son succès commercial". Même ton précautionneux dans "Variety" : "C'est très certainement un film original et inhabituel, qui montre l'influence sur les individus des rêves, des diseurs de bonne aventure, et autres phénomènes surnaturels. Avec une interprétation de qualité, filmé avec précision, comprenant trois épisodes adroitement reliés, "Obsessions" devrait remporter un grand succès. L'idée de départ est de Charles Boyer et de Duvivier, qui l'ont vendue à Universal, tout en restant co-producteurs... La description spectaculaire de l'influence des rêves et de la chiromancie, et de la capacité humaine à déjouer les prédictions ou les superstitions, devrait susciter l'intérêt du public, surtout des femmes. La mise en scène de Duvivier est soignée, et l'on y retrouve son style européen [sic]". Même malaise dans le "Hollywood reporter", qui écrit dans un premier temps qu'""Obsessions" est un fascinant mélange de réalité et d'illusion, de visible et d'invisible, un film adulte, qui retiendra l'attention d’un public sélectionné par son originalité, et suscitera l'engouement des spectateurs par son évocation mystérieuse des rêves, des malédictions, des prédictions, et de leur relation avec la destinée humaine", avant de se raviser : "Le film est admirablement fait, et mis en scène avec beaucoup d'imagination par Duvivier, même si, pour le critique, il y a eu trop peu de productions comparables pour risquer une appréciation sur les possibilités de succès commercial d'une telle nouveauté. Beaucoup dépendra de la façon dont le film sera "vendu" au public. Celui-ci tout être préparé à l'absence délibérée d'explications aux étranges histoires racontées, sinon on se méprendra sur les intentions des auteurs. Boyer et Duvivier se sont efforcés de titiller notre imagination avec "Obsessions" et, dans cette mesure, le film est une réussite intriguante. Si l'on peut amener le public à accepter le film tel qu'il est voulu, alors Universal pourrait tenir là un grand succès". Mais, pour d'autres, il n'en sera rien, ainsi du "Los Angeles times". ""Obsessions" a le mérite d'être bizarre et inhabituel. Il s'appuie sur des croyances qui sont peu répandues - en tout cas peu populaires... Mais, au final, le film n'est pas satisfaisant. Vaguement exprimée, il y a l'idée que les rêves et les diseurs de bonne aventure pressentent certains événements, et qu'il y a, invisibles, des forces considérables qui gouvernent nos destinées... Mais les motifs du film, tels que présentés, sont plutôt confus. Ils pourront trouver des amateurs, attirés par l’occulte,... mais sans doute la majorité des spectateurs ne sera pas gagnée d’avance ". " The New York Times " est beaucoup plus sévère - culinairement parlant : " Si l’on voulait être favorable, et sans tenir compte de son originalité, " Obsessions " est un divertissement très inégal. Il commence maladroitement, et finit de même, dans un prologue et un épilogue où Bob Benchley s’efforce de surmonter les peurs engendrées en lui par la vision partielle de son futur, d’abord prédit, puis cauchemardé. C’est dans son intention comme dans son scénario que le film manque d’intérêt. Malgré tout, comme on dit, c’est un film " différent ". Et même si les histoires ne sont pas aussi bien conduites qu’elles devraient l’être, on ne peut que louer la diversité du film. En bref, " Obsessions " est aussi nourrissant et varié qu’un sandwich à quatre étages, avec de la mayonnaise et de la salade de chou [sic] ".