Comme souvent dans les films de Kubrick, la construction narrative de Full Metal Jacket est symétrique : le film se déploie en deux volets qui se répondent, chacun ponctué par une catharsis meurtrière, avec pour fil conducteur le soldat Joker : dans une première partie, on assiste à l'entraînement (l'endoctrinement) des futurs Marines pour la guerre du Vietnam, sous la férule de leur sergent instructeur. Dans la deuxième partie, on suit l'errance d'un bataillon pris dans les combats lors de l'offensive du Têt, illustrant le comportement "sur le terrain" de soldats "programmés" pour tuer. On quitte sans transition l'univers vide et monochrome du monde ordonné, ritualisé à l'extrême, de la caserne pour un enfer chaotique de feu et de sang.
Cet extrait réitère une composition visuelle symétrique chère à Kubrick : en travelling arrière, les futurs Marines défilent en chantant, le fusil à l'épaule et la main sur le sexe, en deux rangées parallèles, avec au centre le sergent instructeur Hartman. À un point donné, les soldats s'écartent respectivement vers la gauche et la droite, et repartent sur les côtés en un chemin parallèle. Le sergent fait demi-tour.
La parfaite symétrie de la composition avec ses verticales (les fusils), ses obliques (les poutres du dortoir), ses horizontales (les poutres transversales, les lits parfaitement alignés) exprime visuellement l'entreprise de dépersonnalisation des recrues, réduites à l'état de robots. Le traitement de la lumière ajoute à la vision d'un univers glacé.
Cette entreprise de fabrication de "machines à tuer" glorifie l'agressivité primitive de l'homme et travaille à un détournement de la sexualité, comme l'expriment les paroles du sergent Hartman, reprises en chœur par les soldats. Vocabulaire militaire et sexuel se confondent : le "fusil-phallus" devient leur seul objet de désir. Ils doivent lui donner un nom de femme, coucher avec lui, tout en vouant au sexe féminin un mépris sans borne. Ce domptage de la libido se manifeste dans ce défilé où les recrues tiennent leur sexe d'une main et portent haut la crosse de l'autre.