Série noire, Série blême
Le succès des 400 coups a été pour moi une surprise totale. J'étais libre comme l'air et j'ai donc choisi la contrainte pour ne pas devenir fou. Je me suis placé dans la situation du cinéaste à qui l'on impose une commande : un roman de la Série noire, américain, à transposer en France. J'ai choisi Tirez sur le pianiste par admiration pour l'auteur de ce roman, David Goodis, dont les cinéphiles connaissent peut-être Cauchemar, qui devint au cinéma Les Passagers de la nuit de Delmer Daves, et Le Casse, adapté par Paul Wendkos sous le titre Le Cambrioleur. Comme je désirais beaucoup, depuis que j'avais vu La Tête contre les murs, tourner un film avec Aznavour, je pouvais concilier deux rêves en réunissant Goodis et Aznavour. Et puis Tirez sur le pianiste me donnait l'occasion de montrer que j'avais été formé par le cinéma américain.
Avec Tirez sur le pianiste, j'ai tenté de faire un film qui n'aurait l'air ni français, ni américain. Cela commençait avec le choix d'Aznavour et de ses frères arméniens. Je voulais essayer de faire un film qui ne se passe précisément nulle part, dans un pays imaginaire. Et Aznavour est le type même de l'émigré et de l'artiste. Il est socialement incasable. Aznavour est vulnérable, sans être une victime. Sa fragilité permet au public de s'identifier à lui. En relisant le livre, je me suis aperçu que je n'avais pas été du tout scrupuleux, le livre exigeant réellement un personnage très fort, un personnage corpulent dans le genre de Sterling Hayden. Tout cela s'effondrait à cause du choix d'Aznavour. Cela m'a tourmenté quelques jours jusqu'à ce que je renverse la vapeur. C'est pour cela que j'ai fait appel à Marie Dubois pour le rôle de Léna, parce que je me suis dit : on va faire le contraire, on va prendre une fille qui sera plus forte, qui le portera presque sur son dos, et puis un type qui sera presque une loque, et on se débrouillera avec ça.
Je n'y avais pas pensé, mais en tournant le Pianiste, je me suis rendu compte tout d'un coup que je détestais filmer les gangsters. J'étais démuni, coincé : je ne pouvais pas. Et je m'en suis sorti, non pas par la parodie, mais par une sorte de drôlerie. Je considère qu'on n'a pas à faire des gangsters émouvants, des truands qui pleurent ou des gentils contre des méchants. On obtient alors un film où toutes les conventions bourgeoises sont transposées dans le monde des gangsters. Ces clichés m'énervaient. C'est pourquoi j'ai décidé de rendre mes gangsters comiques, sans tomber dans les clichés britanniques, le côté gangsters idiots comme il y en a toujours dans les films anglais.
Il ne faut pas chercher la réalité dans le Pianiste – ni dans cette famille d'Arméniens dans la neige du côté de Grenoble, ni dans ce bar de Levallois-Perret –, mais simplement le plaisir de mélanger les choses pour voir si elles sont mélangeables ou non. J'ai systématiquement pratiqué le mélange des genres. Et, malgré l'aspect burlesque de certaines scènes, ce n'est jamais une parodie. Il s'agit pour moi de quelque chose de précis, que j'appellerais un pastiche respectueux du film B hollywoodien, duquel j'ai tant appris. De cette façon, je rendais hommage à l'œuvre de Nicholas Ray et de Samuel Fuller, pour ne citer qu'eux.
Le Pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une petite route en pente, et on dirait que la voiture glisse sur cette route sans qu'on n'entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... J'ai le plan dans le film. J'ai peut-être fait ce film pour ce plan-là, pour cette ambiance.
Avec Le Pianiste, je n'avais pas totalement réglé ma dette envers le cinéma américain. J'ai eu envie de refaire des choses un peu extravagantes. J'ai donc eu ce projet avec Jeanne Moreau, quelque chose d'américain, de très excentrique. Je sais que je suis un réaliste, finalement plat et pas loin d'être ennuyeux, alors je me suis dit que j'avais intérêt à partir d'un matériel très excentrique, puisque de toute façon je lui donnerais le maximum de plausibilité et de normalité en route.
La Mariée était en noir fait partie des livres que je connais depuis toujours. J'avais lu ce roman après la Libération, probablement en 1946, un peu en cachette de ma mère, qui dévorait tous les romans policiers américains. J'avais oublié le titre, mais je n'avais pas oublié certaines scènes. Je les ai racontées à Jeanne Moreau en lui disant : « Si on pouvait remettre la main sur ce livre, ça serait peut-être bien pour nous. »
William Irish était l'écrivain type de la Série blême, collection concurrençant à une certaine époque la Série noire. Au lieu d'avoir des gangsters dans un milieu social bien défini, on avait des histoires qui ressemblaient à des cauchemars. Irish, c'était presque toujours des histoires d'amour empêchées, des histoires effrayantes, qui reposaient sur une idée de fatalité. Il a souvent été adapté au cinéma sous son véritable nom de Cornell Woolrich. C'est un poète comme Goodis. Pour le Pianiste, comme pour la Mariée, de la même façon que je suis sensible au doublage des films, j'aime le « style sans style » des traductions. Ça fait rêver, comme s'il s'agissait d'une langue étrangère.
J'ai essayé avec la Mariée de faire une histoire non pas hitchcockienne – car Hitchcock s'intéresse davantage aux innocents qu'aux coupables – mais selon un principe de narration à la Hitchcock. Tout le temps, on tient compte du raisonnement du public, et on s'en amuse : à la différence du roman, nous donnons la solution de l'énigme bien avant la fin.
Comme il s'agit d'un roman étrange et non situé, j'ai fait en sorte qu'aucun lieu ne soit reconnaissable. Plutôt que de franciser le livre, j'ai préféré créer une sorte de pays imaginaire. Les romans d'Irish, de Goodis, sont comme des contes de fées pour adultes. Et je les adapte dans le même esprit que Cocteau tournant La Belle et la bête, tout en jouant un jeu moins ouvertement féerique. Pour moi, c'est comme ceci : « Apparition... disparition... ils étaient cinq... où sont passés les cinq ? » C'est ce côté-là qui me plaît énormément. Les cinq hommes que Julie retrouve sur son chemin nous font revenir à ce principe de l'énumération qui rend fascinante la lecture des contes de fées. La Mariée peut sembler simpliste et mécanique à quiconque refuserait qu'un film pour adulte puisse commencer par « Il était une fois... ».
Jeanne Moreau, sur l'écran, est une espèce de morte-vivante. Elle ne survit à son époux de cinq minutes que pour le venger. Rien n'est plus satisfaisant pour le public qu'un personnage qui va jusqu'au bout. Et ce trajet en droite ligne, nous avions convenu avec elle qu'il devait s'effectuer sans artifices, sans coquetterie, à la fois gravement et légèrement. Je lui ai dit : « Vous jouerez comme l'opérateur Raoul Coutard, dont le visage est généralement sans expression, tranquille et compétent. » Comme d'habitude, c'est la femme qui prend des initiatives et qui, sans rien perdre de sa féminité, manipule des hommes ayant en commun leur vulnérabilité. Ici, la mission de Julie, à nos yeux inhumaine et extravagante, n'est pour elle qu'un travail à accomplir. Et il n'est pas difficile d'imaginer qu'il ne lui restera plus qu'à mourir, une fois sa tâche terminée. Dans ce film en couleurs, Julie n'est vêtue que de noir et blanc, et, plutôt que d'entrer dans le décor ou d'en sortir, on peut dire qu'elle apparaît et disparaît.
Chaque homme représente une façon différente de voir les femmes. La Mariée me permettait d'utiliser six comédiens avec qui je rêvais de travailler depuis longtemps. Récemment, je me suis aperçu que la Mariée ressemble même aux Mistons ; les hommes que rencontre Jeanne Moreau sont les mistons qui ont grandi. Pour escorter ces hommes, les différencier, les colorer, il fallait un grand musicien : Bernard Herrmann est venu donner un air d'opéra à notre conte de fée pour grandes personnes.
La Mariée aurait été bien meilleur en noir et blanc car la couleur lui a enlevé tout mystère. Je m'en rends compte quand le film passe à la télévision car les réactions des gens qui le voient en couleurs ou en noir et blanc ne sont pas du tout les mêmes.
Irish fait partie de ces auteurs américains qui ont subi l'influence du cinéma, ce qui m'est apparu de façon plus sensible pendant que j'adaptais La Sirène du Mississipi et que je travaillais le livre à la main, comme si celui-ci était déjà le scénario. Dans le roman, Irish dit du détective : « Il avait le regard le plus direct que l'on eût rencontré. » C'est l'unique indication que j'ai donnée à l'interprète du rôle, Michel Bouquet, et qui lui a suffi pour sa composition.
Mon scénario définitif a moins été une adaptation au sens traditionnel qu'un choix de scènes. Dans la Sirène, j'ai admiré surtout la répartition des événements, les apparitions, disparitions et réapparitions des principaux personnages. J'ai donc respecté cette construction pour le film, j'ai cherché à en conserver toutes les proportions. Mais autant, dans la Mariée, j'ai été fidèle au roman, autant, ici, je l'ai transposé. Certains de ceux qui aiment le livre ont été surpris. La Nouvelle-Orléans est devenue l'île de la Réunion. Cela m'a évité d'avoir à tourner en anglais, ce dont je me sentais encore incapable. Et du charme lié à l'époque (1880), on ne retrouvait rien, puisque j'avais transposé l'histoire de nos jours : si j'avais fait un film en costumes, j'aurais dû renoncer à toute improvisation.
Ce qui m'a séduit dans La Sirène du Mississipi, c'est que William Irish y traitait un sujet traditionnel du cinéma d'avant-guerre. En relisant le livre, j'ai pensé qu'il y avait là le thème fondamental de « la femme et le pantin ». Je me suis fait la réflexion que tous les cinéastes que j'aime ont traité ce thème de la femme fatale au moins une fois dans leur vie. C'est un film qui s'appuie sur une situation presque mythologique (pas la mythologie grecque, celle d'Hollywood), mais, en même temps, le traitement vient constamment contredire celle-ci : elle n'est pas vraiment une vamp, lui n'est pas vraiment une victime, ce sont des gens proches de la vie d'aujourd'hui, un couple fait de deux personnes mal assorties, comme on en rencontre partout.
Le fait de respecter la chronologie du roman m'a permis de construire le couple avec précision. Le récit étant à l'origine plein d'un romanesque du siècle dernier, j'ai pensé qu'il fallait doubler le trajet sentimental du roman d'un trajet physique. J'accepte toutes les péripéties romanesques. Mais je veux que les gens se conduisent normalement dans une situation qui n'est pas normale. Ce sont les décalages qui m'intéressent. Mettre des personnages vrais dans des situations très fortes, c'est-à-dire inconfortables. Une situation forte est toujours une situation fausse, dans laquelle les gens sont coincés, pris dans l'engrenage. Et dans ces situations fausses, ils ont des réactions vraies.
Avec la Sirène, j'ai voulu faire un film sincère, qui tenterait de ressembler à un roman-photo. Et je crois que s'il a eu un accueil aussi glacial, c'est que mes intentions étaient, non pas floues, mais sans doute un peu perverses : c'était un film de cinéphile. J'ai cherché à introduire dans une même séquence à la fois un cliché et une émotion. Les spectateurs ont vu surtout les clichés, ils ont moins perçu la sincérité. Qu'à mi-chemin du sérieux et du pastiche puisse se tirer une émotion juste, c'est, pour l'esprit français, quelque chose de très difficile à concevoir. J'appellerais cette approche, déjà présente dans le Pianiste et la Mariée, un hommage affectueux au cinéma américain. Il est aisé d'imaginer ce qui a choqué le monde occidental. La Sirène du Mississipi montre un homme faible envoûté par une femme forte. Un parti pris secret m'animait dans mon travail lorsque j'ai tourné ce film : pour moi, Catherine Deneuve était un garçon, un voyou qui en avait vu de toutes les couleurs, et Jean-Paul Belmondo, une jeune fille qui attend tout de son mariage. Lui se marie par petites annonces. Il ne le dit pas mais en fin de compte, pour moi, Belmondo est vierge. Mon effort portait donc sur le point suivant : que le public sache à tout moment où les personnages en sont de leur vie sentimentale, de leur vie sexuelle, et aussi de leurs problèmes d'argent. Ceci n'a pas été très apprécié. Ça l'aurait été davantage avec des acteurs non « mythologiques ». Belmondo était déjà classé comme fier-à-bras viril et j'en faisais un frère d'Antoine Doinel. Quant à Catherine Deneuve, elle venait d'obtenir une série de succès suaves, et brusquement j'en faisais une méchante.
Un jour, dans l'avion, j'ai ouvert un roman américain intitulé Such a Gorgeous Kid Like Me, et m'entendant hurler de rire à chaque page, l'hôtesse de l'air est allée prévenir le chef pilote qu'un passager devenait fou. En même temps que le rire provoquait en moi les plus vives douleurs physiques, derrière les faits et gestes de l'héroïne du roman, Camille Bliss, je voyais se surimpressionner Bernadette Lafont, comme si l'auteur, Henry Farrell, avait pensé à elle en écrivant son livre. Pour la convaincre, il m'a suffi de lui faire entendre le bruissement des pages du livre feuilletées dans le téléphone.
La force du livre : c'est une histoire de Série noire dont le narrateur est un sociologue. C'est même un ethnologue qui étudie une tribu, la tribu des Bliss. J'aime la forme d'Une belle fille comme moi. Je voulais probablement faire un film d'Audiard filmé par Jean Rouch. On peut très bien penser que Michel Audiard, s'il avait lu le livre, aurait eu envie d'en faire un film. Il y a quelque chose là-dedans qui est assez proche de ce qu'il aime montrer dans ses œuvres : des gens qui se roulent les uns les autres... On peut penser aussi que l'ethnologue Jean Rouch aurait pu s'intéresser à la tribu des Bliss. Mais d'une part, je ne voulais pas être aussi fantaisiste qu'Audiard, d'autre part, je ne voulais pas non plus être aussi expérimental que Rouch. La vérité était donc entre les deux tendances.
Le film comporte tout un aspect linguistique : je m'attachais à un langage complètement inventé, un argot très grossier, certes, mais aussi peu vulgaire que le Queneau des Aventures de Sally Mara. Il ne s'agit presque jamais de dialogue informatif mais en réalité d'un argot à la fois très moderne et très poétique.
Je crois que le comique de cette histoire découle du contraste très fort entre une fille qui est le comble du naturel jusqu'à la vulgarité – c'est un Boudu féminin – et un garçon dont la connaissance est purement livresque.
L'humour américain est fondé sur la mauvaise foi. Et la mauvaise foi est un ressort comique formidable. À propos de Camille, le jeune sociologue fait du délire d'interprétation parce qu'il en est amoureux fou. Il veut forcer tout le monde à voir en elle une victime de la société, alors que c'est le contraire. Mais aucune femme n'est dupe de Camille. C'est un film cruel, sans une once de sentiment, un comique de la dérision où tout est bafoué, mais j'espère trop gai pour être amer.
Le film est ambigu, dans le sens où il est secrètement autobiographique. Dans Une belle fille comme moi, je suis les deux personnages : Camille Bliss et Stanislas, le sociologue. Je me moque de quelqu'un qui s'obstine à voir la vie de façon romantique. Je donne raison à la fille qui est une espèce de voyou, d'un naturel et d'un cynisme absolu, qui a appris à se méfier de tout le monde et à lutter pour survivre. Je les oppose l'un à l'autre mais je les aime tous les deux. Les gens qui s'identifient au sociologue ressentent le film comme méchant. Il n'est pas méchant, mais on ne comprend pas que je sympathise avec la fille. Pour moi, la fille est une grande sœur de L'Enfant sauvage. Quand des gens sont venus me dire que c'était une vraie garce, j'étais très étonné. Je me dis qu'ils ont mal regardé le film.
Finalement, les adaptations sont plus difficiles que les scénarios originaux. On a l'impression que c'est plus facile au départ, puis viennent les difficultés. Les adaptations donnent quelque chose de mystérieux sur le résultat, l'impression que ça se passe soit dans un pays qui n'existe pas, soit d'une drôle de façon. Ensuite, le choix qu'on fait des scènes à conserver est évidemment arbitraire, et comme il reste toujours sur l'écran des scènes qui font référence à d'autres qu'on a coupées, le film devient trop mystérieux. Je sais que les gens savent très bien quoi penser lorsqu'ils sortent d'un de mes films dont j'ai fait le scénario de A à Z, alors qu'ils sont toujours déconcertés quand il s'agit d'une de mes adaptations de romans.
Franchement, The Long Saturday Night, d'où est tiré Vivement dimanche !, n'est pas le meilleur livre de Charles Williams. Je l'ai retenu pour une raison précise : je voulais une histoire policière conduite par une femme, pas de gangsters et peu de police. Ce qui m'a attiré, c'est que l'enquête est menée par une personne très ordinaire, une secrétaire qui veut tirer d'affaire son patron. On retombait sur des bases de comédie américaine, avec une situation qui m'amuse toujours beaucoup : le couple qui se dispute mais qui, en réalité, est fait pour s'entendre. Enfin, l'enquête ne durait que quelques jours, ce qui me donnait pratiquement une unité de lieu et une unité de temps.
Après mes films « récapitulatifs » (de Baisers volés au Dernier métro), j'avais besoin d'une histoire plus simple, plus linéaire, où je puisse, du début à la fin, filer une seule héroïne. J'ai toujours suivi le conseil d'Henry James, qui recommandait aux écrivains de choisir, pour raconter leurs histoires, un nombre impair de personnages. L'imprévisible, le bizarre, se faufilent toujours à la faveur de l'impair. Et pour une Série noire, c'était indispensable.
Dans La Mariée était en noir, Une belle fille comme moi et La Sirène du Mississipi, c'était aussi une femme qui menait le jeu. Dans mes films, comme dans la vie, les personnages féminins sont souvent un peu plus forts que les personnages masculins. C'est le contraire de la moyenne des films.
Mais j'ai été déçu par mes adaptations de William Irish. Il fallait garder le XIXe siècle pour La Sirène du Mississipi et tourner la Mariée en noir et blanc. Je n'aimais pas beaucoup mes films policiers en couleurs. Je voulais faire mon autocritique par rapport à La Mariée était en noir où j'avais eu la faiblesse de mettre trop de soleil, trop de lumière, et où, de ce fait, le côté mystérieux du roman de William Irish avait été perdu. Pour Vivement Dimanche !, les grandes décisions ont été de tourner les trois quarts du film la nuit, sous la pluie, en noir et blanc et comme en studio : un vrai local, avec une fausse rue en face, de façon à y faire passer uniquement ce qu'on avait envie de faire passer. Quant au choix du noir et blanc, il était évident pour moi que le thriller est un genre qui aurait dû rester en noir et blanc. Il y avait aussi de ma part une petite intention polémique, le désir d'empêcher que le noir et blanc ne disparaisse.
J'ai été fidèle au début et à la fin du livre. J'aimais la fin, je l'ai reproduite à peu près comme elle était. Il y avait tellement de scènes de téléphone et de télex au milieu, vraiment pas visuelles, que nous avons dû inventer, avec Suzanne Schiffmann et Jean Aurel, du matériel pour le corps du film. Là, je me suis rendu compte que pour écrire de la Série noire, il faut être entraîné. Le scénario de Vivement Dimanche !, même s'il est enfantin et simple comme bonjour, a été plus long et plus difficile à mettre sur pied, à construire et à écrire que, par exemple, celui de La Femme d'à côté. Ça a été un long travail pour un résultat qui doit donner une impression de légèreté, de grande facilité. Le film roule vite. Il dure 1h50 et paraît en durer moins d'1h30. Je suis content du rythme. J'ai demandé à Nestor Almendros de tourner très vite. Ce n'était pas pour faire des économies, mais pour faire un film qui ressemble à un film de Série B, il faut consacrer peu de temps à chaque plan. Donc, on a fait ce film en sept semaines et demie. On aurait pu le faire en dix semaines mais je préférais garder ce ton haletant, un peu fiévreux. Pour moi, cela faisait partie du genre. Vivement Dimanche ! est joué très vite. On n'a pas le temps d'analyser. Il y a une espèce de griserie.
Le film correspond au titre, qui est très bon, y compris le point d'exclamation qui montre qu'il y a un élément de comédie. Vivement Dimanche ! mêle deux genres, le genre film nocturne, pluvieux, avec ambiance Série noire, et la comédie conjugale américaine. Il n'est pas l'un ou l'autre, il est les deux à la fois.
- Anne Gillain, Le Cinéma selon François Truffaut, Flammarion, 1988
- Carole Le Berre, François Truffaut au travail, Éd. Cahiers du cinéma, 2004
- Yvonne Baby, « Un entretien avec François Truffaut », Le Monde, 24 novembre 1960
- Gilbert Salachas, « François Truffaut, réalisateur », Télé-Ciné, n° 94, mai 1961
- Jean Collet, Michel Delahaye, Jean-André Fieschi, entretien avec François Truffaut, Cahiers du cinéma, n° 138, décembre 1962
- Pierre Billard, entretien avec François Truffaut, Cinéma 64, n° 86, mai 1964
- « Entretien avec François Truffaut à propos de "Tirez sur le pianiste" », Cinéma 67, n° 112, janvier 1967
- François Truffaut, « 46 réponses de François Truffaut à 47 questions de Pierre Ajame », Le Nouvel Adam, n° 19, février 1968
- Gérard Langlois, « Entretien avec François Truffaut à propos de "La Mariée était en noir" », Les Lettres françaises, 10 avril 1968
- Yvonne Baby, « Un entretien avec François Truffaut », Le Monde, 18 avril 1968
- François Truffaut, « La Vie et le drame », texte du dossier de presse de La Mariée était en noir, 1968
- Yvonne Baby, « Entretien avec François Truffaut à propos de "La Sirène du Mississipi" », Le Monde, 21 juin 1969
- Télé-Ciné, n° 160, mars 1970 [retranscription d'extraits de Cinéastes de notre temps : « François Truffaut, dix ans dix films » diffusée par l'ORTF le 26 janvier 1970]
- Guy Teisseire, « Entretien à propos de "Une belle fille comme moi" », L'Aurore, 1er mars 1972
- Luc Bernard, « Tournage : François Truffaut à Béziers », Le Technicien du film, n° 191, 15 mars 1972
- Étienne Ballerini, Roger Caracache, Bernard Oheix, Alain Théry, « Le métier et le jeu », Jeune cinéma, n° 77, mars 1974
- Dominique Maillet, entretien avec François Truffaut, Cinématographe, n° 15, octobre-novembre 1975
- Serge Daney, Jean Narboni, Serge Toubiana, entretien avec François Truffaut, Cahiers du cinéma, n° 316, octobre 1980
- Paul Ceuzin, Gilles Costaz, « La Magie du cinéma selon Truffaut », Le Matin de Paris, 8 août 1983
- François Guérif, « Interview de François Truffaut pour "Vivement Dimanche !" », Pilote, août 1983
- François Truffaut, « Pourquoi "Vivement Dimanche !" », texte du dossier de presse, mars 1983
- Michèle Régnier, Révolution, 12 août 1983 [retranscription de La Leçon de cinéma, émission diffusée à la télévision française au printemps 1983]
- Émission Les Grandes traversées, « François Truffaut : l'homme-cinéma » par Serge Toubiana, réal. Manoushak Fashahi (31 juillet 2008)